Du Brésil, aux Caraïbes

Étape 1 : SBSG-SBFN

Nous sommes le mercredi 27 Février et nous nous réveillons ce matin avec le bruit des vagues. Je goûte mon plaisir. Assez curieusement, malgré le stress de cette traversée atlantique et les contrariétés administratives, j’ai bien dormi. D’autre part, les étapes successives m’ont permis d’absorber en douceur les 4 heures de décalage horaire avec la France. Idéalement, je me verrais bien passer la journée, allongé sur un transat à siroter quelques cocktails face à la mer turquoise. Pourtant, il est indispensable qu’auparavant, nous nous mettions en quête d’un vrai trésor : l’huile aéronautique.

Je suis parti de Pontoise avec 7 bidons d’huile de type Aeroshell 15W50. Je me doutais bien qu’au cours de ce périple autour de l’Atlantique, il faudrait se réapprovisionner. Assez naïvement je pensais que là où je ferai le plein d’Avgas,  je pourrai très probablement acheter de l’huile.

Malheureusement je n’ai pas trouvé ce précieux fluide sur l’aéroport de Blaise Diagne à Dakar. A João Pessoa, l’avitailleur n’a pas été non plus en mesure de m’indiquer une source d’approvisionnement. Aujourd’hui, il ne me reste que 4 quarts dans le carter d’huile moteur ce qui est très insuffisant pour imaginer reprendre un vol maritime vers Fernando de Noronha.

Ce matin, pendant le petit déjeuner, j’entreprends donc quelques recherches sur internet… sans succès. Il doit bien y avoir aux alentours un atelier de maintenance aéronautique qui pourrait me dépanner. Mais où sont donc les petits avions ? Heureusement, la réception de l’hôtel m’offre une oreille compatissante. Ce qui n’arrange pas les choses, c’est que dans cette partie du  Brésil, l’anglais est loin d’être pratiqué de manière habituelle.

Finalement, une chaîne de solidarité aéronautique se met en place. Après deux heures à nous perdre dans la campagne du Nordeste pour explorer une première voie, nous avons pour consigne de rejoindre par la route l’aérodrome Dr Severino Lopes Da Silva (SJBX). Pourquoi diable cet aérodrome, situé à 30 km au Sud de Natal, ne figure t’il pas sur les cartes Garmin Pilot ou Jeppview ?

Visiblement, les infrastructures sont récentes et abritent une école de pilotage.  Nous apprenons qu’il s’agit en fait d’un aérodrome privé, qui devrait abriter à terme un village aéronautique. Nous découvrons quelques ULM et autres avions monomoteurs, ainsi qu’un club house. Mais surtout, c’est un stock de bidons d’Aeroshell W100 Plus qui est là, à notre disposition. Je m’interroge sur la compatibilité entre l’huile minérale et l’huile synthétique. Un rapide appel chez Pontoise Aéro Maintenance, le  CAMO qui suit mon avion, et me voilà rassuré. Je vais acheter 10 bidons, de quoi poursuivre sereinement jusqu’en Guadeloupe. A 20€ le bidon, évidemment j’ai le sentiment d’être pris pour un Américain !!!

De retour à l’hôtel, nous avons la conviction d’avoir conquis le Graal. Nous allons enfin pouvoir passer en mode détente et apprécier les activités touristiques et notamment la station balnéaire de Ponta Negra.

Deux jours plus tard, il est en temps de prendre notre envol pour l’île mythique de Fernando de Noronha. En fait, il était prévu que nous partions la veille, mais le laissez-passer, obligatoire pour se rendre sur cette île exclusive, ne nous est parvenue qu’en fin d’après-midi, après une attente de 3 heures. L’aéroport de Fernando n’autorisant pas les atterrissages de nuit, il a donc fallu remettre notre départ à ce matin.

Question aviation, j’ai maintenant bien compris qu’au Brésil rien n’est simple au niveau des formalités administratives. Nous débarquons donc à l’aéroport de Natal à 6h. Après m’être acquitté d’une taxe aéroportuaire raisonnable de 84€, j’adresse mon plan de vol VFR à RocketRoute. Visiblement, le contrôle brésilien rencontre quelques difficultés informatiques pour le recevoir. J’appelle les opérations de RocketRoute qui m’indiquent, aimablement, qu’elles vont adresser au contrôle de Recife une copie papier.

Nous avons enfin l’autorisation de rejoindre l’avion. La météo est nuageuse avec quelques grains prévus sur le parcours. Je dispose d’une quantité de carburant de 362 litres pour seulement 1h40 de vol, de quoi envisager tranquillement tout évitement, attente et déroutement si la situation météorologique se dégrade.

Chargement des bagages, visite prévol, mise en route du moteur… je contacte enfin la tour pour obtenir l’autorisation de roulage. Les minutes s’écoulent silencieusement et laissent planer un doute inquiétant sur notre départ effectif. La température de 29° dans l’habitacle n’arrange rien. Finalement le contrôle nous autorise à rejoindre le seuil de piste 12. Le parking de l’aéroport est toujours aussi désert et je roule au milieu d’un aéroport fantôme.

J’avoue être soulagé lorsque les roues quittent le bitume à 8h25. La visibilité est excellente et les champs laissent maintenant place à une magnifique dune de sable, dernier rempart avant cet océan, jusqu’à là bienveillant.

Nous faisons route sur le point OGPER. J’ai choisi une altitude de croisière de 3500’ pour parcourir ces 212 NM. C’est faible, mais je dois composer avec un vent de face de plus de 20kt qui augmente avec l’altitude. Du coup ma vitesse sol affiche un petit 130kt.

Il est temps de s’intéresser aux cartes d’approche. La piste 12/30 de Fernando de Noronha mesure 1845 mètres et s’étend sur une grande partie de la  largeur de l’île. Deux collines imposantes, sont situées de part et d’autre de la piste et à proximité immédiate. Compte-tenu des conditions météorologiques du jour, il ne devrait y avoir aucune difficulté technique.

Nous approchons à présent de notre destination. Un avion de ligne a également débuté la descente et son atterrissage est prévu 7 minutes derrière nous. A l’intonation du contrôleur, je sens qu’il a hâte de nous voir au sol, afin de ne pas interférer avec l’ERJ-195 d’AZUL. Je souhaiterais m’attarder et enrouler cette île qui m’apparaît aussi vierge que l’île du film Jurassic Park. Malheureusement, aujourd’hui ce ne serait pas raisonnable. Je négocie malgré tout avec le contrôle une intégration en vent arrière main droite pour la piste 12. C’est toujours ça de gagner. De cette façon je vais longer la côte Sud et traverser l’île pour me retrouver en base. Cela donnera peut-être l’occasion à Caroline de photographier la plage de Baia do Sancho, régulièrement citée comme étant la plus belle plage du monde.

Il est 10h07 lorsque les roues de F-GPHR embrassent la piste de Fernando de Noronha. En remontant la piste j’aperçois distinctement le rocher du Morro do Pico. C’est le point culminant de l’île qui, tel un pouce levé, se dresse à une altitude de 323 mètres.

Un agent de piste nous désigne notre point de stationnement. Il s’agit d’une bande gazonnée le long de la rampe d’accès face au terminal.  Notre bel avion va être parfaitement en sécurité. Un  chariot à bagages nous attend. Décidément, cet aéroport sait recevoir ses clients et tous les ingrédients sont en place pour un séjour de rêve. Il ne nous reste plus qu’à effectuer quelques formalités administratives au nombre desquelles : régler la taxe d’atterrissage et la taxe de séjour.

C’est d’un pas léger que nous rejoignons le bureau de piste. Sans surprise, le personnel est très aimable, mais je sens déjà qu’il va falloir s’armer de patience. Bordereau, copie carbone, calculette… l’agent préposé se lance dans une série d’additions. L’atterrissage, les 4 nuits de parking, les services du contrôle aérien, rien n’est oublié. Avec le plus grand sourire, il me tend enfin une facture de 400€ !!! Incrédule, je me dis que j’ai dû faire une erreur de conversion avec la monnaie locale. Ce n’est malheureusement pas le cas. Je reprends donc les différents postes mentionnés sur la facture avec l’employé administratif. Je veux bien croire que Fernando de Noronha soit la pépite brésilienne, mais le montant me semble surréaliste. Au final, arguant du fait que l’avion se trouve stationné dans un ‘champ’, la facture est revue à la baisse pour un montant final et non négociable de 300€.

C’est donc un peu contrarié que je monte dans le taxi. Mais, en parcourant la route qui nous emmène à notre ‘pousada’ (maison d’hôtes), je réalise en quelques minutes que nous venons de débarquer dans un endroit unique. Les nuages ont laissé la place à un grand soleil. Que la magie commence…

Étape 2 : SBFN-SBJE

Cela fait maintenant 4 jours que nous sommes au paradis. Évidemment, j’ai bien conscience que la notion de paradis est une chose très personnelle. Cependant, comment ne pas succomber au charme d’une île qui a parfaitement réussi à préserver son caractère sauvage. Pour être tout à fait précis, l’archipel de Fernando de Noronha est un parc naturel inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il faut dire que le nombre de touristes est strictement contingenté et la capacité hôtelière réduite uniquement à des maisons d’hôtes.

Pour l’anecdote, l’accès à la « plus belle plage du monde » se fait par l’intermédiaire d’échelles et ressemble à une aventure spéléologique. Le seul bémol à notre escale a été une météo parfois très orageuse qui montre un tournant dans la saison.

C’est donc avec un vrai pincement au cœur que nous reprenons ce matin le chemin de l’aéroport.

Notre destination du jour s’appelle Jericoacoara ou Jeri pour les initiés. Il s’agit d‘un village typique construit au milieu de dunes de sable, face à la mer. Le vol va durer un peu plus de 3 heures, pour une distance de 500 NM. La météo est maussade et des grains sont prévus sur le parcours. Avec 300 litres à bord, une fois de plus, le carburant ne posera pas de problème.

Hier en fin d’après-midi, je suis passé au bureau de piste pour m’assurer qu’aucune surprise « brésilienne » n’allait occasionner un retard de dernière minute. C’est donc confiant que je me dirige ce matin  vers le bureau des plans de vols. Là, j’apprends que mon plan de vol VFR déposé par RocketRoute n’a pas été traité et j’ai du mal à dissimuler un certain agacement. Je contacte directement le centre de contrôle de Recife qui m’explique que le plan de vol a bien été reçu mais qu’il est nécessaire de confirmer avec eux certains éléments et notamment, le niveau de vol. Avec diplomatie et une patience contenue, je rassure le contrôleur sur mon souhait de vouloir adhérer à mon plan de vol tel qu’il a été soumis. Après cet appel très « constructif » et le plan de vol validé, nous sommes autorisés à rejoindre l’avion.

A priori, à l’heure de notre départ, il ne devrait pas y a avoir de trafic à destination de Fernando de Noronha. C’est sans doute l’occasion de prendre quelque photos de l’île. L’idée est la suivante : après décollage de la piste 12, virage à droite suivi d’un tour  de l’île à 500’ en suivant le littoral jusqu’à la pointe Nord. Ce sera ensuite une directe sur Jericoacora qui me fera  traverser la TMA de Fortaleza. Le vol est prévu au FL65 avec un vent favorable d’une quinzaine de nœuds. Évidemment en fonction de la météo sur le parcours, il sera peut-être nécessaire de faire quelques petits ajustements.

Il est 8h54 lorsque le Mooney prend son envol. Je me dis qu’il ne vaut mieux pas faire une embardée sur la droite car le relief est particulièrement proche. Établi à 500’, le mitraillage photographique commence. Nous survolons ces plages magnifiques dont nous avons profité pendant notre séjour. Aujourd’hui ce sont déjà des souvenirs, et l’émerveillement, c’est également un sentiment de grande tristesse qui nous submerge.

Alors que nous approchons de la pointe nord de l’île, une averse nous dissuade de poursuivre et prenons donc le cap sur Jericoacoara. Nous débutons notre montée vers le niveau de croisière . Le stormscope renvoie une image plutôt positive, alors que les cellules orageuses semblent nombreuses. Les évitements se font à vue et quelques turbulences se font ressentir de temps à autre.

Après 35’ de vol, j’ai tout à coup l’impression d’avoir une hallucination. Alors que la Moving Map du Garmin Pilot n’affiche que le bleu profond de l’océan quasiment jusqu’à destination, un atoll de couleur turquoise fait son apparition à l’horizon. C’est totalement hypnotisant. L’espace d’un instant, je me rêve aux commandes d’un hydravion préparant son atterrissage au milieu de ce récif corallien.

Deux heures plus tard, nous rejoignons enfin la côte. La mer s’est teintée de vert émeraude et nous pouvons à présent distinguer les fonds marins. De son côté, le soleil commence à faire une timide apparition. Nous ne sommes plus qu’à 30 minutes de l’arrivée et j’anticipe la descente pour mieux savourer ce paysage de dunes de sable qui commence à se dessiner. En arrière plan, une nature luxuriante et de nombreux fleuves terreux me laissent penser que les précipitations sont abondantes à cette période.

Premier contact avec le contrôle de Jeri. La piste 08 est en service. C’est une longue piste de 2200 mètres très récente puisque l’aéroport a ouvert en Juillet 2017. Il est situé dans les terres à environ 30 km au sud-est de la ville touristique. À présent, je suis en vue des installations. Difficile de passer à côté de cette plateforme perdue au milieu d’une immense étendue forestière. Je m’intègre en vent arrière main gauche. Après 3h10 de vol et une moyenne confortable de 158 kt, nous voilà posés. Une fois de plus, nous roulons sur un parking généreux mais totalement désert. L’aérogare de couleur verte, avec son toit en petite tuiles a belle allure.

Deux employés de l’aéroport viennent à notre rencontre avec un chariot à bagages. C’est vrai que j’apprécie vivement ce genre d’attention mais la note salée a Fernando de Noronha m’a appris à être prudent. Les bagages déchargés, je m’enquiers de la possibilité de régler la taxe d’atterrissage. Peut-être que je cherche juste à me rassurer ? L’agent de piste m’explique que nous verrons tout ça à notre retour et qu’il n’y a pas de motif d’inquiétude. Il ne manque évidemment pas de nous souhaiter un excellent séjour.

Il est vrai qu’il n’y a pas une minute à perdre. Nous sommes à Jericoacoara pour seulement 3 jours et il est urgent d’en profiter. Quelques minutes plus tard un taxi nous conduit vers un lagon au nom particulièrement évocateur : Lagoa do Paraíso.

En ce début d’après-midi, nous prenons nos quartiers à l’hôtel ‘Paraiso Natural Poussada e Restaurante’ situé en bordure de lac. L’endroit est pour le moins agréable. Quelques hamacs en enfilade, trempent négligemment dans le lagon à quelques mètres de la plage. Imaginez vous, en train de siroter un cocktail, le corps légèrement immergé : fraîcheur et bien-être garantis.

Malheureusement, la météo est couverte et ne permet pas de reproduire les clichés magnifiques disponibles sur les brochures touristiques. Qu’importe, nous transformerons ce moment de farniente en une jolie balade autour du lac.

Quelques heures plus tard, de retour dans la chambre d’hôtel, je me dirige vers la douche. Alors que je m’apprête à ouvrir le robinet d’eau, une prise électrique située  à côté de la pomme de douche retient toute mon attention.  Juste en dessous un interrupteur est également présent. A l’évidence, ce dernier commande la résistance située dans la pomme de douche, permettant ainsi  d’obtenir l’eau chaude. Eau et électricité faisant rarement bon ménage, j’avoue une certaine inquiétude face ce système peu conventionnel. Interrupteur sur ON, petit filet d’eau, je me lance. Jusqu’à là, tout va bien. Le robinet étant maintenant généreusement ouvert, j’entreprends de me glisser sous ce ciel de pluie même si la température est encore très fraîche. Mais quel est donc ce  tuyau qui semble fuir derrière la pomme de douche ? J’approche la main pour tripoter ce qui semble être un petit bouchon, et là, sans prévenir, je reçois une violente  décharge électrique qui me tétanise. J’imagine déjà l’épitaphe :

« Il a survécu à l’Atlantique Sud mais est tombé sous la douche à Jericoacoara » Totalement ridicule !!!

Autant vous dire que suite à cet incident la Poussada nous a généreusement offert la nuit..

Le lendemain, nous partons à destination du village de Jericoacoara. Situé à 15km de l’hôtel, il faut d’abord  traverser le parc national. Seul un taxi 4×4 agréé est à même de nous  y conduire. Le chauffeur indique que le trajet sera d’environ 45’ ce qui nous semble plutôt long. Très vite, nous quittons l’asphalte pour nous retrouver sur des chemins de sable entourés de mangrove. Par endroits,  l’eau stagnante des pluies orageuses donne lieu à de véritables passages de gué. C’est assez impressionnant et nous comprenons que l’impératif 4×4 ne relève pas du folklore.

À présent la végétation a laissé place à un paysage de dunes de sable sublimes au milieu desquelles marres et ruisseaux ont curieusement trouvé leur place. Notre guide, qui bien évidemment, connaît chaque grain de sable, s’évertue à rendre ce voyage le moins ‘chaotique’ possible.

Finalement, telle l’oasis dans le désert, le village de Jericoacoara fait soudainement son apparition. Une barrière filtre les véhicules et nécessite le règlement d’une taxe de séjour. Le chauffeur nous explique que les taxis peuvent uniquement chercher ou déposer les clients à leur hôtel. Des parkings sont disponibles en périphérie du hameau pour ceux qui souhaitent stationner leur véhicule.

Une fois dans le village, nous découvrons un lieu vraiment unique. Restaurants et boutiques colorées se côtoient le long de rues sablonneuses. Une végétation luxuriante agrémente ce décors de Far West et débouche sur une plage qui s’étend à perte de vue. Au loin, une vague de sable semblant se jeter dans l’océan, vient meubler l’horizon de ce paysage féérique.

Étape 3 : SBJE-SBSL

Ce vendredi 8 mars sonne l’heure de notre départ pour la ville de São Luis. Nous nous réveillons, déjà nostalgique de ce séjour au bout du monde. De sites magiques aux plats colorés plein de saveurs, et ne résistant pas un massage relaxant, tous nos sens ont été comblés. Seule ombre au tableau, le soleil quasiment absent restera une source de frustration. Le choix de São Luis, n’est pas lié à l’architecture de la ville, mais au fait que ce soit un aéroport douanier (airport of entry), obligatoire pour la dernière étape de notre aventure Brésilienne. Nous avons d’ailleurs prévu de repartir, dès le lendemain, pour un très long vol sur les Barbades.

Notre taxi nous attend déjà pour nous amener à l’aéroport. Il a prévu de rouler sur la plage pendant plusieurs kilomètres avant de rattraper la départementale. En admettant que ce trajet ne soit pas le plus écologique, nous préparons quand même l’appareil photo pour immortaliser ce moment unique.

Nous voilà arrivés à l’aéroport, il est 9:00h. C’est en général là que commencent les tracasseries administratives dont nous sommes maintenant coutumiers. Nous allons très vite nous rendre compte que Jeri n’échappe pas à la règle. Cela commence par une trentaine de minutes d’attente dans le terminal désert, avant que nous soyons invités à passer le filtre de sécurité. Puis, nous retrouvons, tout sourire, l’équipe qui nous a accueillie quelques jours auparavant.

Le processus classique commence par la paiement de la ‘taxe d’atterrissage’. On me présente une note de 431,38€. Evidemment les bras m’en tombent. On m’explique poliment que la taxe comprend également tous les éléments liés aux radio-télécommunications et balises d’aides à la navigation. J’explique, agacé, que mon vol VFR n’a pas dû beaucoup occuper les contrôleurs ni user les balises ! Visiblement, en dépit de mon insistance, il n’y a pas de marge de négociation et j’ai vraiment l’impression d’être l’otage d’une administration déconnectée de l’aviation légère. Là où ça devient franchement cocasse, c’est lorsque je présente ma carte bancaire pour régler la facture. Le préposé me répond que son terminal ne fonctionne pas et qu’il faut se rendre à la station service à côté de l’aéroport. Sans commentaire…

Pendant que les minutes passent, un rapide tour d’horizon me montre une météo qui devient très menaçante. Le trajet entre Jeri et São Luis est de seulement 1h45, mais effectué un vol au milieu des Cumulonimbus n’est jamais très confortable.

A 11h27, notre Mooney prend enfin son envol de la piste 08 alors que les premières gouttes s’abattent sur la pare-brise. Virage à gauche en montée vers 1500′, nous rejoignons la côte et disons au revoir à Jericoacora sur notre travers droit. La navigation ne devrait pas poser de problème. Il s’agit de suivre la plage jusqu’à São Luis située à 235 NM au Nord-Ouest de notre position. Un vent de face de 15 kt est prévu sur le parcours. Qu’importe, c’est une étape courte et les paysages que nous allons survoler promettent d’être époustouflants.

Nous progressons ainsi tranquillement, cherchant à ne pas perdre une miette de cette nature exceptionnelle qui nous entoure. C’est une véritable symphonie de couleurs qui s’offre à nous. Au loin, de part et d’autre de l’avion, des rideaux de pluie balisent notre route. Je scrute avec attention le stormscope qui me renvoie une image plutôt rassurante.

Alors que nous passons par le travers de l’aéroport ‘international’ de Parnaíba je quitte la zone de contrôle de Recife pour prendre contact avec Amazonica. A l’évocation de ce nom, j’avoue ressentir la fierté de vivre une aventure hors du commun. En même temps, j’ai conscience de survoler une nature qui pourrait se révéler hostile si notre moteur venait à s’arrêter. L’échange avec Amazonica est très bref: ‘rappelez-nous en cas d’urgence‘. Au moins je sais que je ne vais pas être débordé avec les échanges radio.

Cela fait maintenant un peu plus d’une heure que nous sommes en vol et nous atteignons l’un des endroits les plus beaux de la planète: le Parc National des Lençóis Maranhenses. Je descends à l’altitude de 500′ afin d’être pleinement immergé dans cet océan de dunes de sable blanc parsemé de lagunes turquoises.

L’émotion est immense. Caroline est en charge du mitraillage photographique, et je la presse d’immortaliser chaque centimètre carré de cet univers surréaliste. En même temps, je ressens sa frustration de ne pouvoir simplement s’abandonner à la contemplation de cette toile de maître sur laquelle nous glissons.

De mon côté, je dois commencer à préparer notre arrivée à São Luis et m’intéresser aux cartes d’approche. La ville et sont aéroport sont situés sur une île. La piste 06, d’une longueur de 2385m est en service. L’aéroport dispose d’une deuxième piste sécante légèrement plus courte. Le contact est pris avec la tour, et comme j’ai déjà pu le noter auparavant, les communications en langue anglaise ne posent aucun problème.

Il est 13h13 lorsque nous atterrissons sur l’aéroport International de São Luis. De gros orages se développent au nord des installations et je suis soulagé de ne pas avoir à poursuivre le vol. Nous avons l’après-midi pour nous promener et découvrir le centre-ville historique. Mais avant cela, je souhaiterais avancer sur les formalités administratives et éviter toute mauvaise surprise avant notre vol sur les Barbades.

La routine est connue: faire le plein carburant, payer les taxes et déposer un plan de vol. Cette fois, et c’est la raison de notre venue à São Luis, il s’agira d’obtenir en plus, le tampon permettant de sortir du Brésil. Du reste, notre ‘laissez-passer’ expire le lendemain.

Arrivés au point de stationnement, un agent de trafic vient à notre rencontre. Il contacte l’avitailleur qui nous retrouve très rapidement. 263 litres d’avgas prennent place dans les réservoirs du Mooney. La facture de 669 euros (2,54€/Litre) est à régler en espèce. J’informe ensuite l’agent de trafic de notre intention de quitter le territoire, et sa réponse sonne comme un coup de tonnerre:

« Sur cet aéroport, Il faut prévenir les autorités avec un préavis de 2 jours ouvrés »

Nous sommes vendredi, donc a priori, la police aux frontières ne sera pas disponible avant le mercredi suivant. L’agent de trafic rajoute que l’expiration de notre laisser-passer risque d’être un problème et passible d’une amende dont le montant pourrait-être égal à la moitié de la valeur de l’avion.

Il est donc urgent de trouver une solution. Je sais que Belem à 265 NM au nord-ouest est une option viable. Il s’agit d’une ville importante de 1.5 millions d’habitants. L’agent de trafic me confirme que l’aéroport dispose effectivement d’une police aéroportuaire présente H24.

Impatient d’en finir avec l’ensemble de ces formalités, je me mets en tête de repartir séance tenante. C’est donc au pas de charge que je règle les 180€ de taxes d’atterrissages et dépose le plan de vol pour Belem. Une heure plus tard, nous sommes de retour à l’avion et réalisons notre meilleure performance. Reste que n’ai pas préparé mon vol, et un rapide tour d’horizon montre une météo inquiétante. Je suis pilote de ligne et je connais ce comportement accidentogène. Finalement, au moment d’embarquer, je me ravise. Je ressens un soulagement chez Caroline, qui jusqu’à présent n’osait trop rien dire. Ce soir nous dormirons à São Luis. Après tout, ne sommes-nous pas en vacances ?

Étape 4 : SBSL-SBBE

Il est 5 heures du matin lorsque le réveil nous sort du lit. Une très longue journée nous attend. Elle va débuter par un vol d’1h45 jusqu’à Belem, et sera suivie d’un vol de 7h15 pour rejoindre l’île de la Barbade. Hier soir, j’ai regardé la route avec attention. Le survol de la forêt amazonienne est incontournable, avec des orages prévus dans l’après-midi. La perspective d’une panne moteur au-dessus d’une terre réputée hostile ne m’enthousiasme pas. C’est la raison pour laquelle j’avais opté à l’origine pour une route maritime plus directe entre São Luis et Bridgetown.

Lorsque le taxi vient nous chercher, il fait encore nuit. La voiture qui ne s’arrête pas aux feux rouges en raison de la délinquance, nous conduit très rapidement à l’aéroport. Passage du filtre de sécurité, nous chargeons les bagages dans l’avion. Il ne reste plus qu’à payer le stationnement de l’avion et déposer le plan de vol. Evidemment, tout cela était trop simple. J’apprends que le bureau qui gère les plan de vols n’ouvre pas avant 6h45. Pour ne pas rajouter au retard, et calmer ma colère grandissante, l’agent de trafic m’indique que je pourrai régler le stationnement à Belem en même temps que la taxe d’atterrissage.

A 7h17, notre Mooney prend son envol de la piste 06. Virage à gauche en montée vers 6500′, nous avons 273 NM à parcourir. Dans l’immédiat, la météo est stable et nous permet d’apprécier cette nature d’une grande beauté.

Le ronronnement du Mooney est rassurant. Toutefois, cela ne m’empêche pas de scruter régulièrement le sol à la recherche de zones dégagées…et elles ne sont pas nombreuses. Rivières, forêts et zones marécageuses défilent sous nos ailes. Quoi qu’il en soit, nous approchons déjà des zones de contrôle de Belem. J’ai prévu de suivre le Rio Guamá, contourner la ville par le sud et me présenter en finale pour la piste 06. Le ciel est dégagé et je pense que la vue sera époustouflante.

Alors que nous approchons de Belem, le contraste est saisissant entre cette forêt de gratte-ciels, et la nature vierge que nous venons de survoler pendant des centaines de kilomètres. Il est 09h02 et Belem fait son entrée dans le carnet de route de F-GPHR. Nous rejoignons le point de stationnement indiqué par la tour de contrôle. C’est maintenant l’heure de vérité. Avec Caroline, nous croisons les doigts pour que les formalités administratives se déroulent sans accroc.

L’agent de trafic qui vient à notre rencontre a été prévenu de notre arrivée par son collègue de São Luis. Cela semble être de bon augure. Il nous rassure de suite en nous confirmant que la police aux frontières est présente, et pourra procéder à notre autorisation de sortie du territoire. C’est donc confiant que nous suivons notre nouvel ami vers le poste de police. Un officier, dont le look des années 70 me rappelle celui de ‘Serpico’, nous accueille froidement. Je lui tends le laissez-passer et m’attends en retour à un coup de tampon libératoire. Mais non; pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Dans un anglais approximatif, le policier nous indique qu’il est d’abord nécessaire de faire tamponner par la douane la ‘General Declaration Form’. Voilà quelque chose de nouveau qui va poser problème. J’ai bien noté que l’application RocketRoute proposait l’impression de ce document, mais jusqu’à présent, cela ne nous a jamais été utile. Je propose à ‘Serpico’ de lui adresser le document par e-mail afin qu’il puisse me l’imprimer. Il me répond sèchement que ce n’est pas son travail. Caroline ne se démonte pas et demande de l’aide au kiosque de locations de voitures situé juste à côté. Nous avons enfin des professionnels du tourisme qui comprennent notre désarroi.

Pendant plus de 2 heures, nous visitons ainsi les différents bureaux de l’aéroport. Il va sans dire que la taxe d’atterrissage de 304,67€ fait également partie du cadeau d’adieu de cette administration brésilienne. Alors que nous croyons avoir exploré toutes les arcanes de cette folie aéroportuaire, la police aux frontières, dans un baroud d’honneur, nous somme de débarquer toutes les affaires présentes dans l’avion pour les passer aux rayons X. Je sens poindre de la pitié dans le regard de l’agent de trafic, qui gentiment nous aide pour le transport du matériel et des bagages. Je suis venu, j’ai vu, je n’y reviendrai plus…tout au moins, en petit avion. Caroline et moi n’en pouvons plus. Mais malgré cette situation ubuesque, je ne peux m’empêcher d’être admiratif des capacités de chargement du Mooney. Il est 11h35 lorsque nous mettons en route le moteur. La météo est en train de prendre une tournure orageuse, et il est grand temps de poursuivre notre voyage vers des contrées où l’aviation légère a toute sa place.

Étape 5 : SBBE-TBPB

F-GPHR prend son envol pour cette longue étape de 1087 NM en VFR. C’est quasiment la distance entre Paris et Athènes. La première partie du parcours, soit 438 NM, va s’opérer au-dessus de la forêt. Nous quitterons ensuite la côte à Cayenne pour un survol océanique jusqu’à Bridgetown, notre destination.

Les terrains de déroutement dans cette partie de l’Amazonie sont pour ainsi dire inexistants. En cas de panne, il va falloir être créatif. Mentalement, je visualise quelles seront mes actions de communication: ELT sur ON, InReach mode SOS, message de détresse avec le contrôle d’Amazonica. Téléphone, VHF portable et InReach Iridium seront ensuite placés avant le crash dans un sac d’urgence prévu à cet effet. En attendant, croisons les doigts pour ne pas en arriver là.

Dans l’immédiat nous sommes au FL65 et la situation météorologique devient préoccupante, alors que nous avons décollé il y a à peine 45′. Nous sommes juste au dessous d’une couche soudée dont l’épaisseur est difficile à déterminer. Je prends soin d’éviter les averses visibles quasiment tout autour de l’appareil. La nouvelle encourageante, c’est que l’écran du stormscope, ne signale aucune zone de forte convection.

J’allais presque en oublier de monitorer pour la deuxième fois notre passage de l’équateur. J’affiche donc la page appropriée. Caroline et moi-même observons avec attention le décompte de la latitude et ce passage de l’hémisphère Sud à l’hémisphère Nord. Nous avons le doigt sur la ‘gachette’ des appareils photos. Il est hors de question de manquer cet événement symbolique de notre voyage.

Caroline commence à s’assoupir. De mon côté, je dois l’avouer, je suis relativement tendu. La perspective d’un atterrissage d’urgence sur la canopée me donne des frissons d’angoisse, et je ne suis vraiment pas curieux de voir ce qui se cache sous les arbres. Je cherche donc un peu de distraction pour me changer les idées. Volmet, calculs de carburant, point équitemps, point de non retour, vent épaulable…je revisite toute la théorie du pilote privé.

Au-dessous de l’appareil, la forêt s’est transformée en un immense tapis noir menaçant qui joue à cache-cache avec nous au travers des trouées dans les nuages. Le vol devient turbulent et l’autopilote S-TEC55X se bat vaillamment pour maintenir la route et l’altitude. Pourtant, à ma très grande surprise, une pompe plus puissante que les autres vient de nous faire grimper de 500′. Il faut être honnête, j’ai le sentiment d’être un bouchon de liège au milieu de l’océan et je n’y prends pas spécialement de plaisir.

Après 2h30 de vol, nous franchissons la frontière avec la Guyane. Je quitte Amazonica pour prendre contact avec Cayenne, en français. J’annonce avec fierté l’immatriculation de mon avion. Quel bonheur, je suis à la maison, en terre tricolore ! Je ne sais pas pourquoi, mais la météo me semble d’un coup plus clémente et la perspective d’un crash, moins douloureuse. Sur la fréquence, j’entends le bal des hélicoptères qui vont et viennent. C’est vivant…nous sommes en vie !

Quelques instants plus tard, la longue piste de Cayenne s’étire juste sous notre aile gauche. Mais déjà, le contrôle nous demande de mettre le cap sur le point SILAT puis BUXEX. Nous sommes à présent au dessus de l’océan, et en l’espace de quelques minutes, les turbulences s’arrêtent et le ciel bleu azur nous apparait enfin.

Nous quittons Cayenne à regret pour prendre contact avec Paramaribo au Suriname. Le nom de ces zones de contrôle me fait rêver. Cette aviation me fait rêver. Nonchalamment, nous prenons le cap sur TRAPP qui marque la sortie de la FIR. C’est maintenant à PIARCO sur l’île de la Trinité, de prendre le relais. Ces heures qui m’ont paru si longues au début du voyage défilent maintenant à toute vitesse, comme-ci la plénitude ne pouvait se goûter qu’en accéléré.

Le Radar de Bridgetown nous attend déjà et nous attribue un code transpondeur. Visiblement ce soir il y a du traffic et il va falloir être un peu patient. Le contrôleur nous demande de réduire un peu la vitesse. Il faut dire qu’avec ses 173 kt sol, mon Mooney me remplit de fierté. Des vecteurs nous sont assignés pour rejoindre la base éloignée de la piste 09.

Il est 18:00 local lorsque les roues de F-GPHR embrassent le sol des Barbades. Après 07h16’ et 253 litres d’avgas, nous arrivons enfin dans les Caraïbes. L’île nous accueille baignée d’une lumière orangée reposante alors que le soleil commence à disparaitre sous l’horizon. Le contrôle au sol nous assigne notre point de stationnement, et nous roulons tranquillement, fasciné par un Jumbo Jet de la Virgin Atlantic qui rejoint le seuil de piste. Nous retrouvons enfin une vie aéroportuaire riche, et c’est serein que nous déchargeons nos valises sur le tarmac.

Un très beau pick-up vient à notre rencontre et l’agent de piste qui en sort nous propose un service de handling. Encore échaudés par les tarifs brésiliens hors-normes, nous commençons par refuser. Puis, guidés par la curiosité, nous questionnons notre hôte sur le montant de la taxe d’atterrissage ? Gratuit. Le montant du parking ? Gratuit. Nous sommes au « Valhalla » de la petite aviation. Pour 90€, nous découvrons que nous pouvons nous offrir le service VIP: navettes, douane coupe-file, météo, plan de vols, Gendec, Caricom Apis… Un rêve aéronautique !

Avec un sentiment de légèreté, nous attaquons donc notre séjour dans cette première île des caraïbes. Nous avons décidé d’exclure toute excursion, à l’exception d’une randonnée en snorkeling. A cette occasion, nous découvrons la Capitale, Bridgetown, soit disant réputée pour son architecture coloniale britannique. Si l’aspect ‘colonial’ de la ville ne nous saute pas immédiatement aux yeux, le côté décrépit est en revanche lui, bien visible. Nous avouons une certaine déception face à une ville que nous imaginions plus exotique et colorée. Alors que je revois aujourd’hui les photos, je me dis que la fatigue accumulée ne nous à probablement pas mis dans les meilleurs dispositions. C’est sans doute pour cette raison que nous avons passé les trois jours suivants, allongés sur des transats, nous complaisant dans une oisiveté très agréable.

Étape 6 : TBPB-TLPC

Mercredi 13 Mars 2019. Après un petit déjeuner frugal, nous prenons la route de l’aéroport. J’ai plaisir à l’idée de retrouver le Mooney. Le vol d’aujourd’hui va nous conduire vers Sainte-Lucie dont les Pitons sont emblématiques de l’île. Avec 26°C et un ciel très légèrement couvert, notre vol d’une durée inférieure à une heure, promet d’être spectaculaire.

L’aéroport de destination est situé au Nord de l’île. Il dispose d’une piste orientée est/ouest de 1898 mètres qui vient s’adosser à la montagne. Le traffic à destination de cette plateforme est principalement régional. L’objectif du jour est de rejoindre le sud de Sainte-Lucie, traversée l’île en direction des Pitons situés sur la côte ouest, puis remonter cette même côte jusqu’à notre atterrissage à Castries. J’en salive d’avance.

Dans l’immédiat, notre circuit aéroportuaire à Bridgetown se déroule sans encombre. Comme convenu, un agent d’escale facilite notre logistique. Le plein de carburant est effectué avec un complément de 323 litres pour un montant de 574€. C’est évidemment beaucoup plus de carburant que nécessaire pour rejoindre Saint-Martin, notre destination finale, mais à 1,78€/ litre, le prix est séduisant. Il ne reste plus qu’à déposer le plan de vol et le Caricom Apis (sorte de laisser-passer inter-îles) et nous pourrons prendre notre envol.

Il est 11h07 lorsque les roues de F-GPHR quittent l’asphalt de la Barbade. Virage à gauche, nous prenons un cap 310° en montée vers 4500′. Nous traversons l’île qui n’offre que peu de relief. Dix minutes après le décollage, nous gagnons déjà la côte ouest pour entamer une traversée maritime de 85Nm.

le point TEDDY marque l’entrée de la zone de contrôle d’appoche de classe D de Sainte-Lucie. Nous découvrons une île montagneuse dont le sommet, le mont Gimie, culmine à 950 mètres. La côte, très déchiquetée à l’est, nous invite à un mitraillage photographique. Niché à l’extrême sud de l’île, nous apercevons l’aéroport international d’Hewanorra et sa longue piste de 2746 mètres capable d’acceuillir les longs courriers.

Nous débutons notre descente afin de nous mélanger à ce paysage de carte postale. Alors que nous traversons l’île, quelques ondes orographiques nous rappellent qu’un espacement et une hauteur confortable par rapport au relief ne sont pas optionnels. Nous sommes saisis par cette forêt très dense qui recouvre l’île, et laisse peu d’espace pour un atterrissage d’urgence.

Quelques instants plus tard, le Gros et le Petit Piton viennent remplir le pare-brise du Mooney. Ils s’élèvent respectivement à une hauteur de 770 et 743 mètres au-dessus de la mer des Caraïbes. Le spectacle est époustouflant. Le désir est grand d’enrouler ces deux colosses et s’enivrer de cette nature si parfaite. Par timidité, nous choisissons de seulement caresser de l’aile ces deux géants endormis et poursuivons notre trajet côtier.

A présent, nous approchons de Castries. Il est temps de prendre l’Atis et contacter la tour. Les communications sont simples. Nous sommes invités à rappeler en vue des installations. L’intégration se fera en base main droite, pour un atterrissage sur la piste 09. En cas de remise de gaz, on virera immédiatement à gauche au-dessus de la mer. Il faut avouer que la colline située dans le prolongement de la piste est assez dissuasive. Aujourd’hui ce ne devrait pas être un problème. Les conditions sont VMC et le relief bien visible autour du terrain.

Il est difficile de décrire l’émotion qui nous envahit pendant la phase d’approche. C’est un peu comme si tous les fantasmes qu’évoquent les Antilles étaient regroupés en un seul et même endroit. C’est beau, c’est coloré, c’est magique !

Il est midi. Après quelques vives turbulences en courte finale, les roues de notre avion prennent contact avec la terre de Sainte-Lucie.

Nous prenons notre temps pour décharger les bagages. Les formalités administratives sont expédiées rapidement et le coup de tampon de la douane sur le passeport s’écrit comme un mot de bienvenue. En fait, notre seule inquiétude se résume à trouver le taxi que l’hôtel nous a réservé.

Une route de montagne nous conduit à notre lieu de villégiature. Ca monte fort, ça tourne serré et c’est très étroit !!! Autant le dire, il ne faut pas avoir le mal des transports. Mais après 45′ d’effort, la récompense est à la hauteur. Le Ti Kaye Resort, surplombe une plage magnifique située dans une crique répondant au nom poétique de Anse Cochon.

Étape 6 : TLPC-TFFG via TFFR

Ce matin le réveil est en demi-teinte. Nous venons de passer quatre jours hors du temps, mais nous touchons désormais à l’épilogue de notre voyage. C’est en effet aujourd’hui la dernière étape de cette fabuleuse aventure. Toutefois, avant de laisser l’avion à Saint-Martin, nous avons rendez-vous avec Paul, mécanicien avion en Guadeloupe. Il doit réaliser la maintenance du Mooney après 50h de fonctionnement.

La préparation de la navigation est, on ne peut plus simple. Après décollage, nous prendrons un cap Nord qui nous amènera à longer la côte ouest de la Martinique et la Dominique. Nous passerons ensuite à la verticale des Saintes pour finalement nous poser sur l’aéroport du Raizet. Le temps de vol prévu est d’environ 1h10 avec une très belle météo et 17kt de vent de face. On ne va pas se raconter d’histoire, c’est une journée exceptionnelle qui nous attend.

Dans l’immédiat, le taxi vient de nous déposer à l’aéroport de Castries. Nous passons la sécurité. C’est encore une bouteille d’eau ou un iPad qui n’a pas été sorti du sac et nécessite une sempiternelle fouille des valises. Evidemment, nous serrons les dents, même si une remarque sarcastique ne manque pas de nous échapper. La suite du parcours se fait avec le bureau de piste, toujours aussi efficace. Nous réglons les nuitées de stationnement, et nous assurons que notre plan de vol a bien été accepté. Nous retrouvons notre Mooney en pleine discussion avec un Piper Dakota et un Cessna 172. Un ATR 42 est en train de prendre son envol. Décidemment ce matin, la plateforme est animée.

Il est 10h23, je rentre le train d’atterrissage. Je dois avoué que j’ai le cœur serré. Caroline immortalise ce moment avec de belles images. Incidemment, sur la gauche de l’appareil, je remarque un cimetière en pleine expansion, entre la plage et la piste. Avec ironie je me dis que l’endroit avec une vue mer, l’autre sur les avions, me siérait plutôt bien.

Nous grimpons à l’altitude de 4500′ et apercevons déjà la Martinique. Nous espérons que la vue sera suffisamment dégagée pour apercevoir l’aéroport de Fort de France et la Montagne Pelée qui culmine à 1397m. Nous sommes littéralement agrippés au fenêtre du Mooney, ne perdant aucune miette de ce paysage qui défile nonchalamment.

C’est ensuite au tour de la Dominique, située à 22Nm au Nord de la Martinique, de faire son apparition. Le morne Diablotins se cache sous les nuages. C’est le point culminant du pays avec 1447 mètres d’altitude, ce qui en fait le deuxième plus haut sommet des Petites Antilles après la Soufrière en Guadeloupe.

Alors que nous atteignons la pointe Nord de la Dominique, nous prenons contact avec le Raizet et entamons notre descente sur les Saintes. Considérée comme l’une des plus belles baies au monde, je ne résiste pas à la tentation de faire un 360° autour de l’île, avec la bénédiction du contrôle aérien. En revanche, il faut croire que nous n’avons pas la bénédiction de l’archipel, tant les turbulences sont violentes alors que j’enroule le Chameau, le point culminant de l’archipel. Voilà qui nous apprendra à déranger Dame Nature.

Autorisés en base droite pour la piste 12, notre atterrissage en Guadeloupe est imminent. La piste de 3129m qui nous tend les bras me semble démesurée. Après un si long périple, je ressens la fierté de retrouver une terre française au milieu de l’Atlantique. Du reste, c’est également l’occasion d’ausculter F-GPHR, mais encore faut-il que je trouve le hangar où opère Paul.

Cela fait maintenant une petite heure que nous avons débuté les travaux. La visite 50h, au-delà de la vidange et du remplacement du filtre à huile, nécessite l’inspection des parties critiques de l’aéronef, indispensables pour garantir la sécurité des vols.

L’oeil affuté de Paul note que du carburant goutte au bout d’un petit orifice situé à gauche de la trappe de la roulette de nez. C’est effectivement assez curieux et je suis bien incapable d’apporter une réponse. Paul n’est pas un spécialiste du Mooney M20J. Je lui propose de prendre contact avec Marc, le technicien qui suit mon avion à Pontoise. Ce dernier, après quelques minutes de reflexion, me suggère de mettre sous tension la pompe de gavage carburant, ce qui provoque instantanément un geyser !!! C’est très ennuyeux car la pompe de gavage est nécessaire en cas de casse de la pompe mécanique. Pour cette raison, elle doit être positionnée sur ON pendant les phases de décollage et d’atterrisage. Le bon sens me dicte, qu’à moins de vouloir vidanger mon réservoir, la pompe de gavage sera condamnée à rester sur OFF. Le côté positif est que mon retour en France m’amène à passer par les Etats-Unis, et c’est bien l’endroit idéal pour réaliser le remplacement de la pompe.

Il est 16h19. Le Mooney s’envole une dernière fois avant un repos bien mérité. Le trajet promet d’être une merveille pour les yeux. Nous allons survolé la côte Est des îles de Montserrat, Niévès puis Saint-Christophe. Nous passerons ensuite travers gauche de Saint-Barthélémy et son aéroport légendaire. De là, nous toucherons Saint-Martin et notre terrain de destination Grand-Case situé sur la partie française de l’île. Une fois de plus, le vol ne présente aucune difficulté technique. En cette fin d’après-midi, la météo est magnifique. Nous prévoyons un temps de vol de 1h05 à 6500′ et 10kt de vent de face.

Photos: L’aéroport de Montserrat à gauche et Niévès à droite

Nous passons à présent le point ZPATA qui marque l’entrée de la TMA de Juliana, nom de l’aéroport international de Saint-Martin. Nous obliquons légèrement au Nord afin de nous glisser entre Saint-Barthélémy et Saint-Martin conformément au cheminement obligatoire pour rejoindre Grand-Case. Passant 2600′ en descente, nous contactons l’agent AFIS.

La piste 12 est en service. Nous sommes invités à nous reporter à le verticale de l’île de Tintamarre. De là, nous contournerons la pointe Nord de Saint-Martin pour nous intégrer en base main gauche. Dans l’immédiat nous avons perdu la piste de vue, cachée par le relief. Le spectacle est ahurissant. Nous suivons la côte et la piste réapparaît, dissimulée entre plusieurs collines.

Je veux rester concentrer sur mon approche, mais comment ne pas être distrait par cette eau émeraude, ces plages de sable blanc et ce ciel qui commence à se teinter de rose.

Il est 17h25, le Mooney vient caresser la piste de 1203 mètres au terme d’un voyage de 7334Nm (trace GPS). L’aéroport de Grand Case est géré par la société Edeis. Son responsable Cyril, a pris le costume de Marshaller et vient à notre rencontre pour nous indiquer l’endroit ou l’avion va stationner les 6 prochaines semaines. Afin que le Mooney soit parfaitement à l’abri, J’ai réservé une place dans un hangar dont la construction vient de s’achever. A ma grande stupeur, ce dernier est quasiment vide ce qui n’est pas forcément fait pour me déplaire. D’ailleurs Cyril me confirme que l’avion ne sera pas déplacé de tout le séjour.

Nous positionnons la bâche sur l’avion et avec beaucoup de tristesse nous regardons les portes du hangar se refermer sur notre fidèle compagnon de voyage. F-GPHR a su nous transporter au-dessus de l’océan sans jamais faillir. Nous avons réalisé 50h45′ de vol, à une vitesse moyenne de 144,5 kt et une consommation de 35,1 l/h. Quel avion, offrant une autonomie de 11h, est capable de revendiquer de telles performances ? Mais bien au-delà de ces considérations techniques, je reste fasciné par cette petite aviation qui n’a pour limite que les fantasmes des pilotes…et la bourse qui reste évidemment le nerf de la guerre.

Nous avons la soirée pour savourer un dernier repas créole et demain nous reprendrons un vol pour Paris via Point-à-Pitre. Nous volerons dans l’atmosphère feutrée d’un vol long-courrier dont nous apprécions particulièrement l’ambiance. Pendant que Caroline classera les photos, je m’endormirai serein, me rêvant peut-être aux commandes d’un Mooney qui traverse l’Atlantique, par les Açores. A suivre…

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer